Jacques Morin chronique "Bois de peu de poids" de Romain Fustier, paru aux éditions Lanskine, dans le n° 170 de la revue "Décharge"
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C'est le premier tome : "été-automne". Romain Fustier a opté
pour un sonnet à sa façon : 14 vers certes, mais distribués en double 4-2-1,
(on dirait presque une composition d'équipe de
foot). Le vers lui-même coulissant entre l'octosyllabe et l'alexandrin. Les
ingrédients du poème se mélangeant à l'infini : la femme dans sa sensualité
"seins dégrafés", les vacances dans leur liberté, la nature dans sa
vérité "/ vigne que tu tailles dans la plaine des draps /", la poésie
dans sa forme contrainte et vagabonde compartimentée dans des slashs
télégraphiques... Notes qui s'enjambent, se répondent, se renvoient, se
contractent et se mêlent. "[B]onne journée / elle part pour la /"
Romain Fustier renverse les pronoms en utilisant un "elle" pour elle,
un "tu" pour lui et un "vous" pour eux. On se laisse
facilement prendre à ce rythme de sonnets déstructurés sans ponctuation
affichée avec ces barres-soupirs fréquentes pour mieux respirer. "[L]a
pause que vos deux inquiétudes s'y autorisent /" On quitte la torpeur, le
littoral, l'été, le mois d'août, tout ce qui fait le côté carte postale avec la
légende et le texte au dos. (On s'interroge un instant sur le titre palindrome.
Je laisse des blancs pour matérialiser les sauts de vers, d'habitude ce sont
des barres obliques mais le texte de Romain est pleine de slashs !) Puis c'est
la rentrée, l'automne, mais avant les souvenirs des vacances qui reviennent
"faisant reparaître ici ainsi que par magie des images /" Le jardin
se rétracte. Les choses s'inversent, mutation poétique "/ vestes de
pierres & murs de velours /" substitution de notions qui s'échangent
"/ vous rentrez de retour sur vos pas comme l'eau revient sur sa page /
réécrit sur cette plage" C'est parfois une question de sonorités "/
tant que durera ce pommier tel une pommade sous le ciel pommelé" Les mois
passent, le journal boucle son semestre de quotidiens multiples. Les enfants,
la famille, on est dans la réalité qui glisse avec les "petites misères du
corps" et tous les soucis qui composent un parterre bariolé entre gris et
rouge. Faut-il connaître le poète pour mieux appréhender cette saisie des jours
brillants ou monotones, successivement ou en même temps ? Je ne crois pas. L'intimité
diariste n'est pas complaisante et l'on attend la seconde partie de cette
mini-saga, simplement humaine.
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