Serge Martin consacre un article au livret de Laurent Mourey paru à nos éditions, C'est pourquoi voler, sur le blog de la revue "Résonance générale".
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Ce n’est pas pour rien que son premier livre porte le beau titre D’un œil le monde (l’atelier du grand tétras, 2012) et voici le second : ce livre est comme tous ceux de cette belle collection « lampe de poche » des éditions Contre-allées : peu épais mais comme tous il est plein d’un gros livre : on lirait presque derrière le titre C’est pourquoi voler : c’est pourquoi voir… parce que dans la suite du premier livre, Laurent Mourey continue : « de nuit à nuit la vie s’invente / nos yeux sont le paysage / nous n’y voyons rien » : ainsi s’achève ou plutôt s’ouvre (nous ouvre) ce livre sur un « sait-on jamais », cette expression courante comme on dit couramment qui cache un non-savoir actif, une activité que ce livre – petit, ai-je dit mais gros, comme on dit de naissances à venir (« notre vie c’est naître / d’un temps où chaque temps / est le revers de l’autre ») – voudrait nous faire toucher des yeux ou plutôt des voix puisqu’il écrit : « dans ma voix toi mon imperceptible » : ce que je lis est exactement ce que me font ces lignes : « ton air de rien ta bouche » avec ses « mouvements interminables » qui « m’écrivent » : une trans-subjectivation à l’œuvre ou, pour parler tout simple et fort vrai, « des accords inconnus frisent nos têtes / un éveil du soudain qui claque un rien les battements de l’air ». Mais ce « faire ta voix dans encore encore » est à la fois l’écriture d’une énergie qui traverse, porte et commence sans cesse (« voler / vient d’abord »), et l’écriture d’une réponse à quelle question (le « c’est pourquoi ») qui en sens contraire creuserait, angoisserait même, du moins inquiéterait sans cesse (« le cœur nous remonte par le ventre // nous nous démenons de nous venir »)… mais toujours pour que voler recommence sans cesse : « de bouches aimantes deux pierres / se touchent deux corps / dans l’épaisseur le noir un passage / à mi-distance pas pour passer mais pour voir / où passer sa voix » : c’est le début du livre, le début d’un passage de voix, le début d’une lecture qui continue une écriture « pour voir / où passer sa voix ».
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32 pages - 5 euros
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