Elégance délicate

Sur le site terreaciel, Patricia Cottron-Daubigné propose une lecture du dernier livre d'Amandine Marembert & de Valérie Linder, Les gestes du linge, publié aux éditions Esperluète.
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Comme ce livre est joli ! Et quand je dis joli, ce n’est pas un mièvre agréable mais pour lequel on aurait un peu de condescendance. Non, c’est le joli de ce qui ne laisse voir que l’élégance délicate, la présence discrète et pourtant évidente ! Un livre de poésie pour un sujet tellement prosaïque : laver, étendre, ranger le linge. Tous les gestes liés à ces activités perdent leur nécessité pesante et deviennent légers.
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« Tous les draps des lits
Passés à la machine
Le même jour
Séchés puis remis le soir même
Pour s’endormir au jardin
Sur un oreiller de plumes d’oiseaux »
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Le linge vole, bleu, dans les dessins comme dans les mots. Un très beau bleu délavé d’eau et de ciel.
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« Aux abords du petit village
De pêcheurs à l’étang
Des fils à linge sur le quai
Parallèles aux bateaux
Les draps sèchent au-dessus de l’eau
Le vent claque dans les plis de la nuit
Les cordages et les mâts
Prolongent les étendoirs »
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Merci à Amandine Marembert et à Valérie Linder d’avoir rendus aériens ces gestes qui parfois complètent l’alourdissement du quotidien. S’occuper du linge, le regarder partout où il se montre étendu, séchant, devient une attention douce au monde et à soi.
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« Le pliage des draps
Est une façon de se donner la main
Avec du tissu au milieu
Qu’on tend avec les bras
Pour défroisser les heurts »
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Ce sont leurs écritures de mots et d’images dont on sait la manière de « ne pas y toucher », la litote constante qui seules pouvaient réaliser le mouvement du linge comme trace, de la femme, de la peau, des corps dans la lignée des mères et des filles.
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« Dans les tricots des mères
Il y a leurs doigts passés dans la laine
Comme caresses enveloppant les enfants
Durablement
Les boutons choisis avec soin
Bonbons sucés aux encolures ».
Une belle légèreté qu’il faut saluer.
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