Une lueur sur la tristesse

Une note de lecture de Matthieu Gosztola, sur De loin en loin de Cécile Glasman, paru à nos éditions.

Que la poésie de Cécile Glasman évoque l’été ou l’hiver de l’amour, c’est toujours avec une telle douceur et une telle sincérité que l’on sent très fort, à chaque vers, que c’est tout l’auteure, dans sa plus grande présence physique, qui se tient debout dans chaque mot. Aussi cette poésie n’est-elle pas à proprement parler brève mais ne donne-t-elle l’occasion à un mot de respirer dans la page que s’il parvient à être le geste le plus nu de l’âme. Poésie ainsi d’une grande impudeur, s’il y a de l’impudeur à ce que l’âme se dévête, mais poésie toute de pudeur, puisque tout est douceur, et que loin du débusqué de la nudité, chaque vers révèle sa nudité en nous-mêmes, qui est aussi notre nudité, notre nudité d’être ainsi révélé par autant de poèmes qui, courant sur des émotions que tout un chacun éprouve, sont un seul et même chuchotement modulé à l’intérieur du plus profond de soi.
De loin en loin est un recueil qui allume une lueur sur la tristesse, tournant son faisceau en nous-mêmes pour éclairer notre émotion et lui donner toute assise pour respirer. Lire De loin en loin, c’est faire l’expérience de prendre un oiseau blessé dans ses mains, de lui caresser les ailes et de faire qu’il s’envole pour aussitôt s’apercevoir qu’il s’envole au-dedans de soi, qu’il n’a jamais quitté cette intimité de soi, où il peut se trouver un nid suffisant pour que puissent y vivre deux êtres, l’amoureux et l’amoureuse, ou le lecteur et l’auteur. Chacun des recueils de Cécile Glasman est ainsi l’occasion qu’a l’auteure de montrer à quel point la douceur est une façon d’être au monde, puisqu’elle permet, en notant d’impalpables gestes de construction miniatures que sont les caresses, de tisser des maisons pauvres autour des êtres qu’elle fait exister par le frôlement, par le toucher.

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