Automne-hiver 2007

AU COIN D’UNE RUE
COLETTE ANDRIOT
Gros textes
(Fontfourane – 05380 Châteauroux-les-Alpes)
60 pages – 6 €

Sous la forme du je ou du tu, c’est le bien le moi qui est au cœur de ces poèmes mais l’introspection ne se limite pas au narcissisme et s’ouvre à une déambulation au cœur de la ville et de la nuit, avec leur solitude, leur désir et leurs secrets. « J’écris comme je marche / en alerte / ne rien perdre des petits spectacles autour de moi », dit la voix qui égrène des motifs d’angoisses et d’apaisement.
Poèmes de l’attente qui s’ouvrent aux maux de l’époque et de la guerre, les textes semblent en quête d’une beauté et d’une harmonie fragiles, conquises dans l’écriture : « Je voudrais / le monde plus rond / paisible / comme une lumière de septembre / Que ce soit une caresse de se cogner contre ».
Emmanuel Flory


DEHORS
PHILIPPE BLONDEAU
Polder
(Fontfourane – 05380 Châteauroux-les-Alpes)
55 pages – 6 €

À en croire Philippe Blondeau, dehors, il faut y aller et s’en nourrir. S’abreuver à la source des paysages, se rassasier de scènes saisies avec l’attention qu’elles méritent. Marines. Promenades le long d’une rivière. Photographies urbaines. Le poète note que « le pli du monde / noircit la page à l’intérieur ».
L’écriture procède d’une observation du monde qui se rapproche de la quête d’un sens caché. C’est alors que s’esquisse, sans jamais tomber dans l’abscons, une sorte de métaphysique du paysage, comme en témoignent ces vers de « Mesurer la mer » : « Nous n’irons plus au loin / l’eau / c’est du sens en vrac / qui s’arrange sans nous / nous contient de sa vastitude bornée ».
Emmanuel Flory


CIGARETTE
BERNARD BRETONNIÈRE
Wigwam
(14 boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – 4,60 €

Cette précision en dernière page : « soixante-quinzième titre de la collection Wigwam (et calumet allumé l’année même où l’interdiction d’en griller une en public est effective en France) ». Quel défi pour cette maison d’édition à l’heure où l’on aimerait nous interdire de trop penser. Cet espace de publication apparaît alors comme une vraie réserve d’indiens. Bernard Bretonnière nous livre ici une liste, un inventaire tout entier dédié à la cigarette. Il ne s’agit pas d’une ode. Les effets néfastes côtoient allègrement le plaisir pris à en consommer / consumer une. Et la poésie dans tout ça ? Celle de la notation brute. « Celle dont le filtre se pare d’une empreinte de rouge à lèvres. Celle qui dessine des courbes rouges dans la nuit. ».
Amandine Marembert


LES DÉMURS
NATHALIE BRILLANT
Wigwam
(14 boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – 4,60 €

Parmi ces textes désespérés, je retiendrais d’abord deux petits poèmes carrés comme des béquilles à la douleur. « PETITE, JE TIENS ENTRE LES / DOIGTS DE MA GRAND- / MÈRE PLEIN DE PENSÉES / ET DE GÂTEAUX – LA BOÎTE, / QUAND ON L’EMPORTE / BRUISSE ÉTRANGEMENT LA / MORT OUVERTE ». « AVEC SA PEAU DE POMME / PLISSÉE LA FEMME AUX CENT / SAVOIRS DE BROUSSE / M’AURAIT RAVIE : SUR LA TÊTE / UNE COIFFE DE / GUÉMENÉ SUR SCORFF EN / DENTELLE BLANCHE COMME / SON RIRE ». Un mystère s’installe dans une écriture de brut et d’obscur. « Je suis un tas de miettes / après / le vent ».
Amandine Marembert


GORGÉES DE BRAISES
MICHEL COSEM
Sac à mots
(La route des Bois – 44810 La Chevallerais)
74 pages – prix non indiqué

Il y a dans Gorgées de braises une étrange similitude avec les carnets de voyages : chacune des trois sections du recueil est enracinée dans un pays, qu’il s’agisse de la terre des origines, des Corbières ou de l’Aubrac. Le poète aime à y cheminer pour mieux en consacrer la nature simple, dont il évoque avec précision la faune et la flore. « Une petite pousse rouge / se baigne dans l’eau claire / Elle n’écoute pas le vent / se prépare au grand soleil de sang / à l’été qui l’attend et veut la consumer ».
En vers ou en prose, les secrets et les légendes de ces paysages souvent nus se dévoilent. Tout en nuances, Michel Cosem fait entendre la voix ténue d’une nature rarement silencieuse.
Emmanuel Flory


LE DOUBLE MOMENT DES NUAGES
PHILIPPE DE BOISSY
Pré carré
(52 quai Perrière – 38000 Grenoble)
24 pages – 5,75 €

Quatorze poèmes très brefs et ciselés au rythme d’un souvenir, d’un aveu, d’un rêve ou d’un souffle de vent.
« Nuages… / Cette femme vit / mais qui est-ce ? / La pluie d’octobre / la déplace / et je deviens / sans nous / l’espace ».
Des poèmes en forme d’énigmes, le plus souvent.
Pour tenter d’y répondre, Philippe de Boissy interroge la pluie, les arbres ou la mer.
« Nuage à l’Est / nuage à l’Ouest // Entre les deux / pas une pluie // mais au-delà / un corps extrême ».
Un recueil plein de sensibilité et de douceur, à lire comme une éphéméride poétique.
Emmanuel Flory

POUR HABITER
GEORGES DRANO
L’idée bleue
(6 place de l’église – 85310 Chaillé-sous-les-Ormeaux)
95 pages – 13,50 €

L’idée bleue reprend ici des poèmes de Georges Drano publiés entre 1959 et 2006. Du lyrisme des premiers textes à la densité minérale des inédits qui clôturent l’ensemble, le désir d’habiter le monde et d’y trouver sa juste place reste le dénominateur commun de poèmes qui oscillent entre la prose et le vers, l’ampleur et la brièveté. L’écriture procède d’une marche toujours vaillante pour tenter de sonder l’espace dans sa dimension physique et matérielle afin de s’y frayer un chemin à hauteur d’homme.
Enracinée dans la terre, la poésie de Georges Drano appartient à ce pan de la création contemporaine qui ne cesse de s’interroger sur le sens de l’univers concret qui nous entoure.
Emmanuel Flory


ET LA NUIT
MARIE EVKINE
Les carnets du dessert de lune
(30 rue Longue-Vie – 1050 Bruxelles – Belgique)
57 pages – 10 €

C’est un recueil saisissant. Par l’intensité de ses thèmes : l’enfance, la peur, le désir, la mort.
On est happé par la force de la voix.
Ici, expérience de la vie et écriture sont intimement et inextricablement liées. « Je ne sais rien faire sans les mots », avoue le poète qui plonge très profond au cœur de l’intime. « [À] soupir à désir / surtout le soir / à sourire à désir / pour ceux qui ne s’aiment pas / voici encore et corps à cœur / n’importe quoi ».
On est sensible à cette ferveur qui confine parfois à la fureur, à l’ironie mordante portée par un rythme heurté.
Ne reste qu’à se laisser griser par ces vers d’une beauté électrique.
Emmanuel Flory


« IT DOESN’T STOP... »
ROGER LAHU
Wigwam
(14 boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – 4,60 €

À première vue, le recueil donne l’impression d’un joyeux fouillis. Poèmes de longueurs très variables, avec ou sans titre, parfois dédicacés, datés comme un journal de bord. Mais un fil conducteur s’en dégage à la relecture et éclaire le titre. Il s’agit alors de dire le temps qui passe sans jamais s’arrêter et ce malgré les saisons les plus belles, les souvenirs les plus attendrissants, les oiseaux qui chantent. On invite le lecteur à se méfier du beau fixe. Le poète ajuste le réel à la fuite du temps en mettant à jour un peu d’automne et de neige dans les ciels bleus et les lumières estivales. « Le ciel bleu cru des étés / c’est qu’un rouleur / de fausses mécaniques ». Mois révolus, jour qui baisse, ombre qui saigne : « quelque chose doit / m’encreuser / sans que je sache ».
Amandine Marembert


NÈGRE BLANCHE
SOPHIE G. LUCAS
L'idée bleue
(6 place de l’église – 85310 Chaillé-sous-les-Ormeaux)
86 pages – 11 €

La chronique âpre d'une mort annoncée par une garde-malade lucide quoique soumise. Avec une impatience paradoxalement pudique, Sophie G. Lucas évoque la figure du père qui tarde à mourir. Le sujet a tout du mélo : père alcoolique, violent, indifférent. Mais si rien ne nous est épargné du sordide d'une fin de vie solitaire et misérable, l'évocation de l'enfance blessée n'a rien de complaisant. L'oxymore du titre dit toute l'ambiguïté de la relation fille/père : "si peu de haine" et tellement de soumission – "tu es ma nègre" lui dit-il – au point que la fille, résignée, regarde avec lui leurs "vies ratatinées se replier minuscules dans les coins". Subtiles, les quelques concessions à la mode poétique – syntaxe elliptique, pronoms personnels sujet sans verbe – font mouche.
Dominique Fournil


À QUI LE CORPS ?
MARCEL MIGOZZI
Tarabuste
(Rue du Fort – 36170 Saint-Benoît-du-Sault)
108 pages – 13 €

Ce recueil de Marcel Migozzi trouve son accomplissement dans ce qui pour d’aucuns serait un paradoxe, l’évocation d’une transcendance qui fait corps avec le quotidien. C’est en évitant l’écueil d’une poésie de la déploration, démonstrative, que l’auteur, par petites touches, sans jamais insister, nous dévoile l’essentiel : « (je t’aime) c’est-à-dire / je nous vois dans la même chair / enlaidir embellir ». La mention du deuil se fait tout en délicatesse, en retenue : « mon dernier poème est là / copié dans ta chair ». On s’accroche aux choses tangibles, on en revient au réel pour s’éclaircir l’esprit, pour revenir au principe de la vie : « puis-je parler de ton absence / sans me perdre à mon tour ». Et même s’il faut « renoncer aux reins / qu’on entend dans étreintes », on survit.
Romain Fustier


VERS LES FERMES, ÇA FUME ENCORE
MARCEL MIGOZZI
Potentille
(2 rue du platane – 58160 La Fermeté)
20 pages – 7 €

L’enfance affleure dans le dire d’un univers rural à explorer. Des sensations croisées : « Une barrière vernissée / et l’odeur d’une pomme au four. Mais la cuisine s’allumait / à chauds boulets, moussu le lait, le noir / touffu du chat ». La teinte d’ensemble est mélancolique, automnale : « Il y a pleurs dans peupliers ». Les choses laissent de minuscules empreintes dans la mémoire. L’expression s’empêtre volontairement pour créer une charmante gaucherie. « J’aurais d’une passion très lente aimé garder les / vaches (en chemins creux et prés en douce / qui s’en vont courber la terre verte) ». Il y a un goût pour la rudesse aussi. Et l’art de raviver l’enfance vécue dans le paysage. « La guerre alors passait dans beaucoup d’herbes / autour des mares ».
Amandine Marembert


UNE FLEUR NOIRE À LA BOUTONNIÈRE
JACQUES MORIN
L’idée bleue
(6 place de l’église – 85310 Chaillé-sous-les-Ormeaux)
96 pages – 13,50 €

« Cette anthologie [...] tente de rendre compte du parcours d’un poète dont l’oeuvre apparaît comme exemplaire de l’évolution de la poésie sur ces trente dernières années ». C’est par ces termes que Christian Degoutte, à qui a été confié le choix des textes parmi la quinzaine de recueils de Jacques Morin, présente cet ouvrage. L’évolution de l’écriture de l’auteur, bien que le livre ne soit pas chronologique, est vite perceptible. Une première période se dessine, dans les années soixante-dix et quatre-vingts, avec de longs poèmes en vers qui électrisent. Urbanité et révolte. Poésie à efficacité immédiate. Les années quatre-vingt-dix marquent le passage à une prose nerveuse, qui laissera elle-même sa place, il y a quelques années, à des vers plus contemplatifs.
Romain Fustier


L’ÉCAILLE DU SERPENT
ANNE PESLIER
Wigwam
(14 boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – 4,60 €

Faits et gestes d’une femme face à la mort. Peut-être celle d’un enfant. « Elle compte en bouquets la mort ». « Elle borde le chemin du bras qu’elle lance ». « Elle repique le mort dans un coin de terre ». « Elle n’oublie pas de l’aimer avant sa mort ». Mouvements du corps et de la pensée entremêlés, bien rendus dans les nombreux raccourcis d’une écriture au rythme d’une respiration saccadée, de l’essoufflement produit par une course à perdre haleine. Dans les pauses ménagées, des images revigorantes. « Tout ce qui vient en elle // sous l’étreinte / sème des morceaux de vert vivants noués ». La femme, dans un presque sommeil, se laisse prendre par l’eau glacée de la rivière et, la peau devenue pierre, perd ses écailles de serpent pour panser sa douleur.
Amandine Marembert


LE TEMPS EST UN GRAND MAIGRE
DOMINIQUE QUÉLEN
Wigwam
(14 boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – 4,60 €

Vingt blocs de prose assez calibrés. La force du recueil réside dans la ciselure de certaines notes. Sixième sens du poète. « Les longueurs qu’on regarde : fruit dans sa gangue, nageuse sans défaut ». « De brefs éclats d’épaules et les sinuosités d’un corps docile ». Précision et exactitude éblouissantes : « les cheveux qu’une torsion essore, le fin glacis du maillot clair où vous luisez, nageuse épuisée ». Cette poésie n’est toutefois pas à l’abri d’abstractions qui perdent parfois le lecteur dans l’opacité. C’est l’art du détail qui retient l’attention : « S’appliquer à réduire encore la portée de l’œil ». L’on rassemble ainsi « iris, guêpe, mica » dans la loupe du microkaléidoscope. « L’eau qui scintille entre des branches à l’instant où le vent les écarte ».
Amandine Marembert


APOTHICARIA
VALÉRIE ROUZEAU
Wigwam
(14 boulevard Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – 4,60 €

Rêverie d’une passante devant une pharmacie. Nombreux poèmes enchaînés comme un récit en compte d’apothicaire. Simplicité narrative en apparence mais truffée des longueurs et des complications liées à l’état de songerie. La femme qui s’appuie au sycomore, érable ou faux platane, embarque à bord des samares qui tourbillonnent et s’accroche à leurs ailes en vain. « J’ai mis mon coeur aux encombrants dessous un bouquet d’anémones ». De temps en temps un refrain de comptine, un jeu de mots. « La foule repasse avec une grande baguette de pain / Et je suis la mie de personne ». Croix verte qui clignote entre la promeneuse et son faux double en vitrine, comme une alerte à la mélancolie. « Quel sérum physiologique la pluie ».
Amandine Marembert


LE POÈME N'Y A VU QUE DES MOTS
JAMES SACRÉ
L'idée bleue
(6 place de l’église – 85310 Chaillé-sous-les-Ormeaux)
114 pages – 13,50 €

Ce livre a tout d'une gageure : en résidence à Rochefort, James Sacré tente d'"interroger" le paysage encadré par la fenêtre de sa chambre, puis d'autres paysages, mis en perspective par des artistes. Un essai sur les rapports entre peinture, paysage et poésie ? Un art poétique ? Non, malgré quelques formules bien senties, "rien d'explicatif". Un livre de poète tout simplement, qui dit "l'énigmatique plaisir de boulanger le langage qui [lui] est échu". C'est cette matérialité des mots, coulures de vocabulaire, coups de pinceaux dans le lexique, cette écriture mi abstraite mi figurative du doute, de l'écriture qui se cherche, que James Sacré nous donne à voir. Au lecteur de glaner dans ce livre-promenade son "punctum", ce détail qui dira sa vérité sur l'humilité du poète.
Dominique Fournil


DES RÊVES AU FOND DES FLEURS
MAGALI THUILLIER
L'idée bleue
(6 place de l’église – 85310 Chaillé-sous-les-Ormeaux)
47 pages – 9 €

Un joli petit livre, très à la mode, mais bien ficelé. Pour enfants peut-être, pour adultes certainement. 32 courts poèmes qui disent le quotidien et la lassitude d'une jeune mère de famille : "une mère épluchures et pleurnichures /de ci de là cuisine carrés carreaux ras / le ciboulot". Mais grâce à la lecture et à l'écriture –"écrire pour ne pas sa langue à chat"–, fini le baby-blues : "c'est / rigolo la rigolette c'est merveilleux / d'évidemment". Malgré quelques tics de langage dans l'air du temps : jeux d'allitérations-assonances à la Rouzeau –"paysage passible/passereaux passeront"–, ritournelles enfantines, pronoms personnels sujet substantivés à la Albane Gellé –"la belle des ils à la pelle"–, syntaxe archichahutée, l'ensemble tient la route et décolle.
Dominique Fournil


LA POÉVIE DE DANIEL BIGA
COLLECTIF
Gros textes
(Fontfourane – 05380 Châteauroux-les-Alpes)
128 pages – 12 €

Cet ouvrage – recueil d’articles, de témoignages, de poèmes, d’images – revient sur une des figures majeures de la poésie contemporaine des quarante dernières années. Figure majeure, car l’influence de Daniel Biga sur la demi génération suivante est indéniable, comme en témoignent ici les contributions de Bernard Bretonnière, d’Antoine Emaz, de Jacques Josse ou de Roger Lahu. Figure majeure, car son oeuvre alimente encore, de façon souterraine, les écritures si actuelles de poètes qui auraient pu être ses enfants, à l’image de Jean-Pascal Dubost et de Valérie Rouzeau. La marque de Biga, c’est aussi ça, cette capacité à catalyser la poésie des autres. Je me rappelle avoir été très marqué par la découverte de ses textes il y a dix ans, à l’âge de vingt, dans un vieil exemplaire de La nouvelle poésie française du regretté Bernard Delvaille, dont la deuxième édition a paru en 1977, l’année de ma naissance. Les extraits qu’il y avait là dataient de trente ans, mais leur élan, leur fougue, leur mordant, n’avaient pas pris une ride. Car Daniel Biga est avant tout un poète de la vie. Un poète qui donne envie d’écrire mais aussi de vivre. Un poète qui rend le vécu plus vivable, qui rend, par sa poésie, la vie plus intéressante que la poésie. Toutes choses que l’on s’efforce de poursuivre dans nos contre-allées, qui sont peut-être, en ce sens, des ricochets de ce parcours, et du parcours de ces compagnons de la première heure, qu’on retrouve dans le volume que je tiens entre mes mains : Marcel Migozzi, Pierre Tilman ou Franck Venaille. Le fait que plusieurs générations se côtoient ici est une preuve, s’il en fallait encore une, que l’itinéraire poétique de Biga, depuis 1968, s’impose comme un des plus intéressants. Poésie de son époque, son écriture n’a jamais cherché à fuir la réalité, à se réfugier dans une tour d’ivoire intellectuelle, à creuser sans cesse un vase clos comme tant d’autres qui ont disparu depuis. Bien au contraire, celle-ci a eu cette aptitude à se renouveler sans cesse, à rebondir, à s’engager dans des voies inouïes. C’est ce qui aujourd’hui nous permet d’en mesurer la force. Un livre indispensable donc, pour l’histoire, et pour l’avenir.
Romain Fustier