AUCUN RÔLE DANS L’ESPÈCE
JEAN-PIERRE GEORGES
Tarabuste
(Rue du Fort – 36170 Saint-Benoît-du-Sault)
132 pages – 12 €
&
LE MOI CHRONIQUE
JEAN-PIERRE GEORGES
Les carnets du dessert de lune
(30, rue Longue-Vie – 1050 Bruxelles – Belgique)
128 pages – 16 €
Jean-Pierre Georges publie deux recueils coup sur coup, et c’est l’occasion pour nous de revenir sur une des voix les plus originales de la poésie actuelle. Le livre paru chez Tarabuste est constitué de trois parties distinctes où la prose domine. Il s’agit de serrer au plus près le quotidien, de l’envoyer dans les cordes, de dire son horreur même pas grandiose : « mon problème avec le réel est énorme, morbide, irréversible, je suis son contempteur secret, son disgracieux, son Ben Laden. Et il le sait. C’est pourquoi il a tourné contre moi l’arme totale. Celle qui vous laisse indemne mais vous dévaste tout l’intérieur… Rien ne me manque, tout m’exclut ». Le constat est terrible et trouve pourtant un écho en chacun (la plupart) de nous. Mais l’âpreté, chez ce contemplatif, se double d’une indéniable tendresse : « Qu’un forsythia coule, qu’un prunus ternisse et c’est moi qui disparais. Qu’une bourrasque emporte les derniers pétales du cerisier et je m’effondre. Ma fin serait bien incertaine dans un monde sans arbres et sans fleurs. Mais dans celui-ci chaque bourgeon m’est une menace de mort ». Le deuxième livre, publié aux Carnets du dessert de lune, nous dévoile un autre versant de l’œuvre de Jean-Pierre Georges, celui de l’aphorisme. « Le moi chronique » est un recueil de bribes, de notules, de petites chroniques acides et acerbes. Un travail de moraliste, la grandiloquence en moins. Les petites failles de la vie et du langage sont impitoyablement explorées. « Couple : je te reproche de me voir tel que je suis ». Ou : « les animaux et presque tous les hommes ne s’ennuient pas ». L’auteur traque en lui-même la part de mauvaise foi de chacun, agitant une sorte de mauvaise conscience collective. Décoiffant.
Romain Fustier
JEAN-PIERRE GEORGES
Tarabuste
(Rue du Fort – 36170 Saint-Benoît-du-Sault)
132 pages – 12 €
&
LE MOI CHRONIQUE
JEAN-PIERRE GEORGES
Les carnets du dessert de lune
(30, rue Longue-Vie – 1050 Bruxelles – Belgique)
128 pages – 16 €
Jean-Pierre Georges publie deux recueils coup sur coup, et c’est l’occasion pour nous de revenir sur une des voix les plus originales de la poésie actuelle. Le livre paru chez Tarabuste est constitué de trois parties distinctes où la prose domine. Il s’agit de serrer au plus près le quotidien, de l’envoyer dans les cordes, de dire son horreur même pas grandiose : « mon problème avec le réel est énorme, morbide, irréversible, je suis son contempteur secret, son disgracieux, son Ben Laden. Et il le sait. C’est pourquoi il a tourné contre moi l’arme totale. Celle qui vous laisse indemne mais vous dévaste tout l’intérieur… Rien ne me manque, tout m’exclut ». Le constat est terrible et trouve pourtant un écho en chacun (la plupart) de nous. Mais l’âpreté, chez ce contemplatif, se double d’une indéniable tendresse : « Qu’un forsythia coule, qu’un prunus ternisse et c’est moi qui disparais. Qu’une bourrasque emporte les derniers pétales du cerisier et je m’effondre. Ma fin serait bien incertaine dans un monde sans arbres et sans fleurs. Mais dans celui-ci chaque bourgeon m’est une menace de mort ». Le deuxième livre, publié aux Carnets du dessert de lune, nous dévoile un autre versant de l’œuvre de Jean-Pierre Georges, celui de l’aphorisme. « Le moi chronique » est un recueil de bribes, de notules, de petites chroniques acides et acerbes. Un travail de moraliste, la grandiloquence en moins. Les petites failles de la vie et du langage sont impitoyablement explorées. « Couple : je te reproche de me voir tel que je suis ». Ou : « les animaux et presque tous les hommes ne s’ennuient pas ». L’auteur traque en lui-même la part de mauvaise foi de chacun, agitant une sorte de mauvaise conscience collective. Décoiffant.
Romain Fustier
UNE ÉTERNITÉ IMMÉDIATE
PATRICK CHOUISSA
Gros textes
(Fontfourane – 05380 Chäteauroux-les-Alpes)
44 pages – 6 €
De longs poèmes en colonnes aérées qui vous happent malgré votre fainéantise et vous tourbillonnent jusqu’à la fin du petit livre crème et vertical à la couverture piquetée de grains de sable. Un enchaînement des mots très oralisé qui vous porte comme une voix radiophonique. Vous pelez les tomates et vous entendez le poète dire « la mémoire s’adoucit / comme un vieil alcool de prune / le vert du feuillage m’agite ». Un goût pour le mélange, entre vocabulaire recherché et simplicité de tournure. Le tout sur des rythmes entêtants. Tam-tam, rock, cliq-claq. Une certaine jubilation à vivre en tout cas : « je chasse le ciel à bout de champ / où de jeunes peupliers / des avoines folles / les ombelles blanches des ciguës naissantes / corrigent l’horizon ».
Amandine Marembert
30 PAGES
JACQUES COLY
Les Deux-Siciles
(8, avenue Hoche – 77330 Ozoir-la-Ferrière)
40 pages – 7,30 €
Trente numéros de pages qui ont échangé leur place avec le texte. Où est le plus important ? L’un est en gros et gras au centre de la feuille, l’autre est en petit et maigre et justifié au bas de la feuille. Le tout dans un livre à la couverture jaune feuille d’automne, publié par « Les Deux-Siciles », une maison d’édition aux sonorités chaudes et savoureuses. Un télescopage permanent d’images enfilées à la suite pour traduire une orgie des sens. « Et ce courant d’air repiquant les boutures de vigne vierge sur la robe à deux hélices ». La tension est celle des heures qui précèdent l’orage. Il a fait trop chaud, le ciel se parsème d’éclairs, mais l’orage n’éclatera pas avant la fin des trente pages. C’est la force de ce livre qui permet de « compter le nombre de baisers héliotropes ».
Amandine Marembert
PASSÉ ANTÉRIEUR
ALAIN LE BEUZE
Wigwam
(14, boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – par abonnement
Une conjugaison lointaine pour renforcer l’éloignement avec la maison de l’enfance, mais aussi pour insister sur une troublante sensation de proximité. Le souvenir crée à lui seul le paradoxe du proche et du distancié. C’est là ce qui semble nervurer le recueil. On reconnaît des détails rassurants, le cerisier ou le mur du couloir, mais on évite l’arrivée de nuit dans la maison, on interroge les orties. Les peurs d’enfant demeurent, tapies au coin de la mémoire. Il est question de « l’armoire de l’enfance », et des lézardes du temps dans l’esprit : « sa glace te renvoie un ciel brisé ». La pancarte du hameau est renversée de ronces et de rouille, la maison « se méfie des bavardages du vent et des récits hâbleurs de la pluie ». Savez-vous encore conjuguer le passé antérieur ?
Amandine Marembert
LA NUE-BÊTE
SOPHIE LOIZEAU
Comp’Act
(Carré Curial – 73000 Chambéry)
120 pages – 16 €
Sophie Loizeau, je dois vous l’avouer, a une écriture qui me fascine. Ses textes semblent unir l’intimité et le lointain, le corps et le paysage au rythme d’images tantôt rugueuses, tantôt délicieuses. On pourrait évoquer une sensualité qui déborde sur le monde, qui érotise les éléments les plus disparates comme le faisait souvent Apollinaire. « Un lieu nous cède / aveuglément – sinon rien – ses souvenirs corporels / et ses tournures /sans nous dépayser jamais puisqu’aussi / nous y sommes / pour quelque chose ». On suit donc Sophie Loizeau dans ses lieux d’écriture (ils sont mentionnés à la fin de chaque section du recueil, c’est dire leur importance), croisant des légendes qui font basculer le vécu dans le fantastique. Une poésie de chair, oui, d’instinct.
Romain Fustier
AH S’IL POUVAIT FAIRE DU SOLEIL CETTE NUIT
PIERRE TILMAN
Wigwam
(14, boulevard Oscar Leroux – 35200 Rennes)
16 pages – par abonnement
Il y a d’abord le titre – citation extraite d’un texte d’André Breton – qui vous attire. Et il s’agit bien d’une recherche de pépites d’or dans le tamis du quotidien. Un « autoportrait “me voilà !” » avec une « peau mate méridionale à l’odeur de tomate séchée à l’huile d’olive », un poème du dimanche qui traduit avec bonheur les charmes du rien faire, le type qui va trop vite « au bar du TGV » alors qu’il travaillera toute sa vie, le jeu du regard fuyant avec « le flic », le « je tout doucement » qui inspecte son chemin pas à pas, et, surtout, un clin d’œil (involontaire) au vermillon de la couverture du livre : « J’aime beaucoup les coquelicots / ils ont un côté tzigane / ils se mettent sur les terre-pleins / sur les bas-côtés / ils campent le long des voies ferrées ».
Amandine Marembert
LA PROIE DU DOUTE
THIERRY TIMAXIAN
Encres vives
(2, allée des Allobroges – 31770 Colomiers)
16 pages – 6,10 €
« Un coup de hasard déchire brusquement la page encore blanche de septembre ». L’histoire du deuil d’une histoire d’amour prend du temps, suit les méandres des certitudes et des incertitudes, se plaît dans l’« entre-deux ». L’écriture dit la difficulté de saisir cet état. « Tes paupières se ferment ce soir sur quelque chose qui fut, et ta nostalgie use ses vieilles métaphores sur la râpe des jours inutiles ». Le poète s’adresse à un « tu » distancié pour éloigner la douleur, mais le regret est vif et l’élan amoureux bien vivant. Les nombreux points d’exclamation en témoignent. Il suffirait d’un rien pour que tout recommence et c’est cet impossible rien qui taraude et fait le charme du recueil. « Il avait fait tellement doux, pourtant, en ce soir de brandes bleues ».
Amandine Marembert