Notes subtiles et légères

Luce Guilbaud propose à son tour une note de lecture sur le site Terre à ciel à propos de "Bois de peu de poids" de Romain Fustier, publié aux éditions Lanskine.
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Petit bois pour nos feux de chaque jour, petit bois pour enflammer le quotidien, petit bois de réserve pour les soirées à réchauffer… On retrouve avec plaisir l’écriture de Romain Fustier qui livre ici des textes pour lesquels on pourrait presque parler de journal. On y suit le déroulement de la vie quotidienne où apparaissent la femme, l’enfant, le jardin, les saisons avec le ressenti et les émotions liés à ces pensées du jour.
Un ensemble bien ordonné, une mise en forme maîtrisée et décidée, les vers se suivant pour chacun des textes en un rythme précis : 1.2.3.4 – 1.2 – 1 - 1.2.3.4 – 1.2 – 1.
Romain invente sa forme ainsi que les phrases entre les slaches qui scandent la pensée, l’évocation de la vie recrée. Une syntaxe un peu chahutée suit les sauts de la pensée, ses connotations mais tout se lie dans une sorte de moelleux qui conduit la lecture avec simplicité comme dans une confidence amicale. Pas de ponctuation ni de majuscules, le texte se déroule comme pris dans la vie physique et mentale en cours. L’homme, la femme, passagers de leur vie, chez eux, dans les chambres de vacances, les voyages emportant avec les enfances les saisons d’autrefois, d’ailleurs…
Il n’hésite pas à utiliser les signes mathématiques : « tomate + basilic = été au jardin  »
Pas d’emphase ni de volonté factice de faire poésie mais des notes subtiles et légères qui disent souvent plus que les mots choisis : « les moineaux… qui picorent les miettes de nos congés » - « un brouillard à déchirer ».
Ces textes sont une magnifique évocation de l’amour charnel lié au jardin, à la nature :
« qu’il te semble entrer
avec elle dans la végétation cette nuit/
t’y enfoncer pour disparaître en elle »
« la mer& l’étang mêlant 
leurs eaux comme mêlant nos peaux »
Ces petites touches pointillistes de tableaux créés par une vie que nous pouvons aisément partager sont d’une grande sensibilité, d’une sensualité qui embrasse les lieux et le temps, le quotidien et la pensée sur celui-ci.
Le livre évoque des moments où la nature est en fruits, en fleurs, des moments de plaisir et de vacances, le sous-titre été-automne et Partie1 annoncent un autre livre où les saisons seront peut-être plus graves. Il y a déjà les « lamentos de septembre arrivant » avec « une inquiétude/ une crainte taisant son nom »… Et avec la rentrée, le désir de la mer, son souvenir, « le soir est une remontée de rouleaux/ une odeur de mer dans les narines » qui aident à vivre l’automne, la mélancolie du mauvais temps qui s’annonce.
Et le recueil se ferme sur ces mots… « quand même/ pourtant  »…