L'identité et la solidarité féminines

Cécile Guivarch, sur le site Terre à ciel, donne une lecture de Renouées, le livre de Luce Guilbaud & Amandine Marembert publié aux éditions du Petit Pois.
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Renouées, commence par Le cœur antérieur, recueil de poèmes de Luce Guilbaud publié en 1998 par Le dé bleu, publié suite à une longue maladie. Puis, l’histoire se poursuit avec la lecture que fait Amandine Marembert de ce texte. Le cœur antérieur la touche si profondément qu’elle le lit plume en main, elle se sent proche de cette écriture, des pensées de son aînée, de sa manière d’affronter la vie. Chaque poème produit en elle des échos. Naît une série de textes qui la relient à ceux de Luce Guilbaud. Plus qu’une rencontre, des affinités, une amitié forte. Marie Huot en parle bien dans la préface qu’elle a écrit pour Renouées. C’est l’idée de féminité qui importe ici, la solidarité des femmes entre elles, liées par les coups durs de la vie et les petits bonheurs. Renouée, c’est le nom d’une plante. C’est aussi celui d’un chapitre du Cœur antérieur. C’est aussi les souvenirs d’enfance d’Amandine Marembert qui s’amusait, enfant, à s’en faire une robe de mariée. Les éditions du Petit Pois rassemblent dans le même livre les poèmes échos d’Amandine Marembert et une réédition du cœur antérieur de Luce Guilbaud, le tout accompagné de monotypes de Luce Guilbaud créés pour l’occasion. De deux recueils, il en reste un seul, et l’écriture de ces deux femmes est reliée. En exergue, un extrait de Cédric Le Penven résume bien ce sentiment ressenti par Amandine« Une voix parle en ma voix […] / permettez que ma voix / emprunte un peu votre voix ». Puis cela continue, à la manière d’une lettre-poème, avec des textes évoquant leur rencontre, les partages, les confidences. 
« On rencontre une sœur », « tu trouves les mots qui recousent », « tes yeux taillent / les branches des arbres / pour que j’aperçoive / la mer », « tes paroles / d’eau salée / me soignent ». Autant de mots témoignent du pouvoir de l’amitié entre femmes, le pouvoir guérisseur de leurs confidences. Amandine dans ses échos cite Luce, Le cœur antérieur, leurs correspondances, leurs paroles, leurs regards, la chaleur de l’une et de l’autre. Elle questionne aussi parfois.
Puis on (re) découvre Le cœur antérieur de Luce Guilbaud avec une édition revue et corrigée. Rives, ronces et renouées rythment ce recueil. Une femme est sur la rive, elle est malade. Elle écrit avec une grande délicatesse. Il y a du soleil alors que l’écriture vient de l’ombre et de la souffrance. Des mots nous glacent, d’autres nous questionnent par rapport au corps, à la vie, à soi. Il y a de la vitalité dans ces poèmes, l’amour, les bruits de la maison, le jardin… Le chemin parcouru, planté d’arbres et de fleurs. La maladie qui apprend à renouer avec la vie.
« Pour cette mer en moi qui s’ouvre », « ces jours de paroles lente / où le corps fleurit sa nuit », « est-ce l’eau pour me recouvrir ou la terre ? », « tu remontes la douleur qui traverse », « un mot un autre pour calmer la douleur », « je tourne les lourdes pages de ma nuit. »
« Etre femme, n’être qu’une femme, naître femme », l’identité et la solidarité féminines pour Luce Guilbaud comme pour Amandine Marembert sont très fortes. Ce recueil m’a beaucoup touchée, je crois bien que c’est le premier recueil que je lis sur ce thème. 
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