Dans le n° 22 de l'excellente revue N4728, Antoine Emaz consacre une chronique aux nouveaux titres de la collection "Lampe de poche". Morceaux choisis.
Cette nouvelle collection donne l'occasion de faire l'éloge des plaquettes. [...] J'aime ces lieux minces, particuliers à la poésie, qui permettent certes de découvrir de nouveaux auteurs, mais offrent aussi à des poètes connus un espace particulier où loger de façon autonome un travail singulier. Dans A la fin dormir, on retrouve la mécanique précise et subtile de la musique d'Olivier Bourdelier, parfois proche de la comptine : "alouette en pleurant va dire / à ma mère je me retire // je reviendrai si je reviens / vêtu de lait vêtu de lin". Mais cette légèreté de la musique, ou la présence fréquente des oiseaux, ne doit pas faire oublier le fond sombre : la mort, l'amour blessé, "le coeur aux encombrants lancine", dormir comme finir. Au bout, une injonction positive redresse le tout : "les jours sont courts / oh mets dedans / ce que tu peux de joie".
Igrec ou bien, de Gwénola Morizur, est une sorte de récit déconstruit, en trois séquences de poèmes courts en vers libres. Ecriture du heurt et de l'ellipse : le contact se fait, puis se perd, puis se retrouve, dans une sorte de "parade sauvage" dont la poète a seule la clé. "demande la neige et la mère de quelqu'un m'envoie quelques flocons // je suis celle qui / à deux". [...]
Valérie Rouzeau donne avec Ma ténèbre une petit ensemble de "vingt-deux éclats" : des poèmes très courts en vers libres courts. On pourrait penser au haïku, mais sans trace d'une quelconque sagesse zen. C'est plutôt une détresse qui miroite terne, clignote faible, mais toujours avec humour : "Ne ferai jamais / De mal / A un canard / Même musical" ; "Encore un chien sans ailes / Un amour sans plus / En laisse / (Tomber)" : "Ma ténèbre ma soeur / Songe à la douleur..."
On l'aura compris : une belle série de lampes de poche éclairent des choix d'écriture différents, mais chacun a sa cohérence, et c'est ce qui importe.