Marilyne Bertoncini consacre un article au n° 39|40 de la revue Contre-allées sur le site Recours au poème.
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La
revue Contre-allées a vingt ans, nous rappelle Romain Fustier dans son
édito, consacré – et nous y sommes sensibles à Recours au Poème – au
revuiste autant qu’aux poètes qui confient leurs textes aux revues.
Comment ne pas partager son interrogation sur ces animateurs de l’ombre
dont « restent des corps qu’étreint parfois la fatigue, que traversent
les doutes » ?
Et
comment ne pas souscrire à l’acte de foi, en la poésie et en la mission
qu’ils se donnent, devenant « architectes » pour permettre aux voix
qu’ils présentent de créer « une grande conversation de voix », dans
laquelle les auteurs mettent leurs textes à l’épreuve, vers plus
d’exigence poétique ?
Ce numéro
ne déroge pas à la règle fixée : les voix, variées, s’y répondent, en
échos . Ouvrant la marche, les poèmes magnifiques de François de
Cormière, qui alternent observations du monde, méditations notamment sur
le temps passé et sur les lectures ou musiques qui transforment
inévitablement le réel qu’on décrit , devenu écho d’autres échos (et je
pense au très beau livre de Jacques Ancet, récemment publié par
publie-net, sous le titre « Amnésie du présent », qui creuse les
concepts de réalisme et de poésie). A la suite, d’une sorte d’art
poétique de Pierre Drogi, dont l’incipit farfeluévoque à la fois Proust
et Umberto Eco (« j’ai longtemps confondu les îles et des saumons »),
des poèmes d’Alain Freixe, mêlant harmonieusement profondeur et
simplicité, et dont j’aimerais citer cette vision qui me touche :
le ciel consent
aux façades amiesune aumône de sable
tandis que de vieilles femmes
aux fichus noirs
viennent ramasser
par les rues vides
l’ombre des papillons
qui avaient fleuri
à midi
Suivent Georges Guillain, Jean-Pierre Georges, Jacques Lèbre, des poèmes en prose de Jean-Baptiste Pedini, Joëlle Abed, des vers de laquelle je retiens ce magique tercet :
Dans le fond d’un petit sac en papier muni d’anses torsadées reposait une pomme bleue
La pomme avait mangé la suite du rêve
À quoi sert de lui en vouloir ?
On trouve encore Olivier Bentajou, dont le texte « laps » est
constitué d’images précieuses égrenées comme des notations horaires, des
poèmes incantatoires d’amour déçu d’Alain Brissiaud,
le chant du ciel
cette lueur à pic
qui frissonne
et nous terrasse
il est sans faute
et pourtant
funèbre
comme nos mains
fermées
mal écrite
Puis, un journal de marche (quelques jours d’octobre 2015) d’Igor
Chirat, des textes au rythme ample d’Emmanuelle Delabranche qui utilise
le ressassement comme principe (réussi) de construction), Joël Georges,
Elsa Hieramente, Cedric Landri et ses observations microscopiques :
où se glisse un lézard
filant vers les profondeurs
tranquilles de la planète
et encore Clara Regy, dont on entend le souffle dans des poèmes en
parataxe et constructions averbales émerveillées, Pierre Rosin, peintre
et poète (et depuis peu directeur de la maison de la poésie de Poitiers)
et Olivier Vossot.
Des poèmes posthumes d’Anne Cayre sont donnés au lecteur, ainsi que
les réponses de poètes interrogés par Cécile Glasman sur
« L’insoutenable légèreté de l’être : en quoi la poésie vous aide-t-elle
à vivre ? ».
En hommage à Marie-Claire Bancquart et Antoine Emaz, des poèmes de
chacun de ces disparus ferment la marche de cette revue en bon ordre
qu’on ne saurait écarter, vu l’excellent « rapport qualité/prix » de ce
travail et de cette riche sélection que je recommande vivement.
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