Illico presto

Le dernier numéro de Contre-allées a eu les honneurs de la rubrique de la "revue du mois" sur le site de Décharge.
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La revue Contre-allées, devenue annuelle à présent, se lit avec d’autant plus de plaisir. Comme à l’habitude, une tête d’affiche pour commencer ; cette fois, il s’agit de Werner Lambersy. Il est, on peut le dire aujourd’hui, reconnu unanimement par les générations montantes. Le poète donne un véritable petit recueil d’une bonne vingtaine de pages, où l’on reconnaît bien sa manière : strophes régulières qui, quelle que soit la longueur, semblent glisser d’un même jet, et se lire d’un même trait. Style liquide et limpide. Il écrit des images sidérantes, par exemple: les éléphants / écoutent le soleil / la nuit… ! ou bien : le jour vient d’enlever / ses pinces à vélo… Son univers demeure naturel et amoureux. Il y a une sorte de beauté spontanée qui écume de ses vers. Avec une méticulosité dans le vocabulaire : (à propos des femmes) …et jamais on ne sait / à quelle écluse / trémate leur plaisir / vers les terres / d’en haut… Suivent, sur la couverture, six autres auteurs qui se distinguent par leur parcours déjà riche. Ainsi Laurent Albarracin qui propose aussi un petit ensemble de quatrains intitulé « herbe pour herbe » : …Armée naine, lances / flageolantes, guerre d’usure… ; Stéphane Bousquet qui semble lui emboiter le pas : la cohorte des jardiniers / a l’air d’épouiller l’herbe à la main ; Françoise Clédat, repérée aux dernières rencontres de Bazoches-en-Morvan, capable d’une écriture polymorphe, aussi bien vers heurtés que prose déliée et fluide ; Christian Garaud dans « Le poisson-clown » : Un poisson ridicule avec les rayures jaunes de la jalousie ; la hauteur d’écriture de Gérard Titus-Carmel : on demeure à la proue du monde voguant à l’avant du langage articulé ; enfin Christiane Veschambre qui s’adresse à Grand ciel, comme indien quotidien. Onze auteurs moins expérimentés, voire débutants, sont ensuite proposés, chacun disposant entre deux et quatre pages pour la plupart d’entre eux. Marie de Quatrebarbes dans « la vie moins une minute » : Octobre, je frictionne tes dimanches. Et Laura Vazquez à la fois lyrique et réaliste, parmi d’autres : Yves Ellien ou Myriam Eck… Pour suivre, Cécile Glasman : « Comment vos lectures infusent-elles le poème à venir ? »  Quatre poètes sont interrogés, dont Marie Huot qui semble, à mon sens, aller le plus loin dans sa réponse. Puis Matthieu Gosztola : « Comment pensez-vous l’oralisation de vos textes ? » Trois poètes répondent à cette autre question. Tel Pascal Commère : …Composer me paraît plus juste qu’écrire. Et je ne compose jamais sans murmurer – besoin d’entendre – le chaînon des mots qui deviendra phrase ou phrasée… ou bien Camille Loivier : L’oralité, c’est ce que j’ai voulu fuir en écrivant, en cherchant […] une langue silencieuse… Pour finir cette copieuse livraison, Amandine Marembert parle de livres, Cécile Glasman, de revues, et Romain Fustier des deux. Amandine qui oppose en édito revue net et revue papier, mais insiste sur le fait que la seconde a une dimension charnelle et suggère de lire ce n° au fil de l’année, genre revue de chevet. Impossible ! On le dévore illico presto !
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Contre-allées n° 33|34
144 pages - 10 euros
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Pour commander :
Editions Contre-allées
16 rue Mizault - 03100 Montluçon