Sur les ondes de la radio RMB, le dimanche 18 juin 2006, une émission "carte blanche" d'une demi-heure à l’occasion du festival Poètes au potager. Lecture de poèmes en direct et interview croisée des cinq poètes présents par Christophe Roussat, dont voici la retranscription.
Christophe Roussat – On pourrait commencer peut-être par le problème du processus, c’est-à-dire de l’écriture même. Est-ce que quelqu’un veut prendre la parole ? Julien ?
Julien Ferdinande – Bon, écoutez, moi, ça marche d’une manière assez simple, quotidienne, donc j’aime bien sortir et aller m’installer aux terrasses pour gratter quelques phrases, comme ça, au quotidien, et ramener ça chez moi, et puis essayer de l’imbriquer dans un tout en fait, et j’aime bien aussi travailler de différentes manières, c’est-à-dire aborder autant la réalité que par exemple les rêves ou la pensée, que l’imagination. J’aime bien que tout soit mêlé, que ça fasse un tout en fait, ça, c’est très important pour moi, et il n’y a rien pour moi qui doit être mis de côté.
C. R. – D’accord, parce que dans le cliché, la poésie, c’est surtout, bon, le rêve, l’amour, etc. Vous donnez une grande part à tout ce qui est le réel, parfois le trivial.
J. F. – Oui, oui, complètement. Tout pour moi est…Il n’y a rien en soi qui est inintéressant pour moi.
C. R. – Tout a une valeur poétique, finalement.
J. F. – Oui, oui, c’est ça. Il suffit d’aller gratter… (rires).
C. R. – Chantal ?
Chantal Dupuy-Dunier – Oui, je crois que ce qu’a dit Julien est important. Imbriquer dans un tout. Il y a la notion non pas ambitieuse et…comment dire, enfin ce n’est pas péjoratif de construire une œuvre, c’est-à-dire quelque chose qui est ce que faisaient les oeuvriers dans un continuum. Pour moi, l’écriture, c’est ça, et c’est aussi pouvoir…je vois le texte que j’ai lu, c’est pas simplement raconter la petite histoire d’un jardin que l’on défriche, c’est toute la métaphore de l’écriture qui est présente derrière. C’est aussi que chaque personne puisse se retrouver dans ce qu’on écrit. C’est pas je raconte ma petite histoire à travers le poème, c’est que chacun puisse se reconnaître, reconnaître sa propre histoire, reconnaître sa propre parole, à travers éventuellement ce que chacun va écrire, et ça va s’inscrire aussi dans la lignée, justement, sur les traces laissées par les autres.
C. R. – Oui, donc, en fait, le poète donne à lire ce que les autres n’arrivent pas à exprimer directement. C’est ce que vous voulez dire ?
C. D.-D. – Peut-être, ou qu’ils arrivent à exprimer par d’autres moyens, d’autres formes d’expression artistique ou autres.
C. R. – D’accord. Oui, Romain ?
Romain Verger – Oui, je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit. On est à la fois dans la poésie, on essaye de saisir ce qui nous entoure quotidiennement, mais ce qui en même temps ne se révèle pas forcément spontanément. Des choses, des objets, des sensations qu’il faut creuser en quelque sorte, ou desquelles on essaye de faire sortir quelque chose, mais, en même temps, moi, j’essaye, dans mon écriture, de dépasser justement l’évidence du réel pour aller vers…pour essayer de saisir quelque chose parfois d’inquiétant ou même d’un petit peu fantastique. C’est la raison aussi pour laquelle mon écriture poétique s’est développée vers le roman, et puis un roman un peu onirique ou fantastique, récemment. Et je vois justement une continuité de l’un à l’autre, et ce qui m’intéresse, c’est cette qualité de la poésie de pouvoir révéler le caractère étrange et surprenant des choses qui nous entourent, ne serait-ce que parce que la parole poétique, justement, a cette dimension métaphysique, très imagée, qui fait que les choses extrêmement simples peuvent tout de suite devenir très étranges ou très éloignées de ce qu’elles sont au départ.
C. R. – Bien. Et sinon, donc, en 2006, quelle place accorder à la poésie ? Est-ce que la poésie a encore un rôle à jouer dans notre société très particulière ? Qui veut prendre la parole à ce sujet ? Donc…Franck Cottet ?
Franck Cottet – Oui, bien sûr que la poésie a un rôle important à jouer. Elle est essentielle. Je pense à un poète syrien, qui s’appelle Adonis, qui disait ça l’année dernière dans une interview qu’il avait donné au journal Libération : « le poète est celui qui est capable de prendre du recul dans une vie qui va très vite, et qui est capable de poser son regard sur les choses, et de poser son regard sur les gens, sur ce qu’ils font ; et de les retraduire, et peut-être de leur tendre aussi comme un miroir ». Et c’est vrai que dans une époque où on vit, on va dire relativement vite, c’est plus qu’essentiel, quoi.
C. R. – Quelqu’un d’autre veut prendre la parole à ce sujet, non ? Armelle Leclercq ?
Armelle Leclercq – Oui, c’est aussi une façon de créer un monde second derrière le monde quotidien, d’apporter en fait une sorte d’image, d’imaginaire qui permette de transcender un petit peu la réalité que, en même temps, on arrive à intégrer au poème.
C. R. – Chantal Dupuy ?
C. D. – Je voulais ajouter une chose. Une citation de René Daumal qui dit « la prose dit quelque chose avec les mots, la poésie fait quelque chose avec les mots ». Et effectivement c’est transcender le réel. C’est aussi le(s) pouvoir(s) de la parole.
C. R. – Oui, Julien Ferdinande ?
J. F. – Moi, je me rends compte, en fait, avec les années, que , finalement, les mots n’ont absolument pas perdu de leur pouvoir, qu’ils ont tout le temps autant de force qu’au début, qu’il n’y a pas pour moi de décroissance de leur valeur ou de quoi que ce soit. Je vois souvent que les gens sont touchés par les mots d’une manière très forte, quoi… donc…
C. R. – Même s’ils sont galvaudés, quand même, dans notre société, voire détournés, leur sens est détourné ?
J.F. – Oui, oui…
C. R. – Et donc maintenant, très concrètement, finalement, aujourd’hui, est-ce que, au quotidien, la poésie c’est écrire la poésie, mais c’est aussi vivre de la poésie ? Est-ce que ça s’arrête seulement à l’écriture ou carrément à un mode de vie ? Romain Verger ?
R. V. – Il est bien sûr extrêmement difficile de vivre de la poésie. Certains grands poètes contemporains assez âgés s’en sortent peut-être, mais c’est vrai que c’est difficile. C’est surtout le roman qui a sa place aujourd’hui et qui fait vivre les écrivains.
C. R. – C’était pas le sens de ma question, en fait. C’était vivre la poésie, pas vivre de la poésie au quotidien.
R. V. – Ah. C’est difficile de vivre la poésie au quotidien. Moi, je crois justement que j’ai pas toujours l’impression de vivre la poésie au quotidien. Non, je crois que véritablement, et je crois que c’est la raison pour laquelle j’ai cette nécessité de retourner à mon bureau pour écrire, c’est justement d’entrer en poésie et de quitter le monde dans lequel je suis quotidiennement. Oui.
C. R. – C’est -à- dire qu’il y a une impossibilité à vivre… ?
R. V. – Il n’y a pas d’impossibilité à vivre, mais enfin je n’ai pas l’impression de vivre poétiquement, non.
C. R. – Franck Cottet ?
F. C. – Moi, je crois pas tout à fait à ça. Je pense que le poète écrit toujours, même quand il écrit pas, c’est-à-dire qu’il y a une espèce de travail d’arrière-plan qui se fait pas forcément systématiquement dans les gestes ou les actes de la vie quotidienne, mais il y a toujours cette notion d’écriture et la capacité qu’il peut avoir, en tout cas pour mon cas, à capter des instants du réel et des instants du quotidien qui s’imprime sur la plaque sensible de sa mémoire, quoi. Ou de sa pensée.
C.R. – Chantal Dupuy ?
C. D. – Oui, je suis tout à fait d’accord avec ça. Il y a toujours cette écriture d’arrière-plan qui est pour moi…enfin je dirais d’être aux aguets de tout ce qui fait signe, de tout ce qui quelque part est pré-écrit, et qu’il va falloir décrypter et écrire.
C. R. – Merci. Alors j’aimerais qu’on revienne, puisqu’on n’a pas épuisé le sujet – on ne l’épuisera pas de toute façon - … j’aimerais qu’on revienne donc sur ce problème de vivre au quotidien la poésie. Qu’est-ce que ça veut dire dans notre société de consommation, par exemple ? Donc…Chantal Dupuy-Dunier ? Oui ?
C. D. – Oui. Le problème, il est là. Il est dans notre société de consommation parce que justement la poésie s’inscrit en dehors de ça et pour moi, écrire de la poésie, c’est militer, quelque part. C’est militer au moyen de l’écriture poétique parce qu’on s’inscrit justement, quand même, en dehors de cette société de consommation.
C. R. – Julien Ferdinande ?
J. F. – Pour l’instant, moi je…bon, j’étais dans une situation où j’avais pas de travail normal, donc je ne pouvais faire qu’écrire, donc c’était peut-être plus facile pour moi, mais il me semble que c’est quelque chose qui a à voir avec la vie de tous les jours de toute façon, parce que même, de toute façon, quelqu’un qui a un travail, il construit sa poésie par rapport à cette existence-là, en fait. C’est soit par contraste, ou…voilà. D’une manière ou d’une autre, ça a toujours à voir avec la vie qu’on mène, de toute façon.
C. R. – Armelle Leclercq ?
A.L. - Oui, c’est une activité forcément un peu à la marge ; aussi, au niveau éditorial, il est vrai qu’à l’heure actuelle, c’est le roman qui est le genre dominant, et il est vrai que la poésie passe un peu moins dans les médias. C’est un petit peu dommage, même s’il y a quand même un certain nombre de manifestation, notamment le Printemps des Poètes, le Marché de la Poésie à Paris, voilà…Mais ça reste un genre un peu mineur.
C.R. – Franck Cottet ?
F. C. – Oui, je crois qu’aussi…enfin il est important de rappeler que la poésie est partout et qu’il n’y a pas de domaine réservé à la poésie, et que, partant de là, le travail du poète, c’est aussi d’aller rencontrer ses lecteurs potentiels à travers les manifestations dont parlait Armelle, par exemple le Printemps des Poètes, par exemple les Poètes au Potager ici ou d’autres qui se déroulent en France. C’est important de montrer aux gens que la poésie est partout, et qu’elle est dans leur vie aussi.
C.R. – Oui…enfin, ce qui me gêne un petit peu dans ces opérations comme le Printemps des Poètes, c’est que, bon, la poésie, c’est toute l’année. C’est comme la journée de la femme, c’est pas une journée par an, c’est 365 jours par an, donc il y a aussi le côté vraiment subventionné dont on parlait hier, et est-ce qu’il n’y a pas, justement, non pas une impasse, mais du moins des limites ? Chantal Dupuy-Dunier ?
C.D. – Au niveau du Printemps des Poètes, il faut quand même reconnaître que, à l’heure actuelle, ils ont une action qui s’inscrit sur toute l’année.
C.R. – D’accord. Et bien, écoutez, merci beaucoup à tous les cinq. On va être obligés de s’arrêter là. C’était très très court, c’est passé très très vite. Je voudrais donc vous remercier.
Christophe Roussat – On pourrait commencer peut-être par le problème du processus, c’est-à-dire de l’écriture même. Est-ce que quelqu’un veut prendre la parole ? Julien ?
Julien Ferdinande – Bon, écoutez, moi, ça marche d’une manière assez simple, quotidienne, donc j’aime bien sortir et aller m’installer aux terrasses pour gratter quelques phrases, comme ça, au quotidien, et ramener ça chez moi, et puis essayer de l’imbriquer dans un tout en fait, et j’aime bien aussi travailler de différentes manières, c’est-à-dire aborder autant la réalité que par exemple les rêves ou la pensée, que l’imagination. J’aime bien que tout soit mêlé, que ça fasse un tout en fait, ça, c’est très important pour moi, et il n’y a rien pour moi qui doit être mis de côté.
C. R. – D’accord, parce que dans le cliché, la poésie, c’est surtout, bon, le rêve, l’amour, etc. Vous donnez une grande part à tout ce qui est le réel, parfois le trivial.
J. F. – Oui, oui, complètement. Tout pour moi est…Il n’y a rien en soi qui est inintéressant pour moi.
C. R. – Tout a une valeur poétique, finalement.
J. F. – Oui, oui, c’est ça. Il suffit d’aller gratter… (rires).
C. R. – Chantal ?
Chantal Dupuy-Dunier – Oui, je crois que ce qu’a dit Julien est important. Imbriquer dans un tout. Il y a la notion non pas ambitieuse et…comment dire, enfin ce n’est pas péjoratif de construire une œuvre, c’est-à-dire quelque chose qui est ce que faisaient les oeuvriers dans un continuum. Pour moi, l’écriture, c’est ça, et c’est aussi pouvoir…je vois le texte que j’ai lu, c’est pas simplement raconter la petite histoire d’un jardin que l’on défriche, c’est toute la métaphore de l’écriture qui est présente derrière. C’est aussi que chaque personne puisse se retrouver dans ce qu’on écrit. C’est pas je raconte ma petite histoire à travers le poème, c’est que chacun puisse se reconnaître, reconnaître sa propre histoire, reconnaître sa propre parole, à travers éventuellement ce que chacun va écrire, et ça va s’inscrire aussi dans la lignée, justement, sur les traces laissées par les autres.
C. R. – Oui, donc, en fait, le poète donne à lire ce que les autres n’arrivent pas à exprimer directement. C’est ce que vous voulez dire ?
C. D.-D. – Peut-être, ou qu’ils arrivent à exprimer par d’autres moyens, d’autres formes d’expression artistique ou autres.
C. R. – D’accord. Oui, Romain ?
Romain Verger – Oui, je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit. On est à la fois dans la poésie, on essaye de saisir ce qui nous entoure quotidiennement, mais ce qui en même temps ne se révèle pas forcément spontanément. Des choses, des objets, des sensations qu’il faut creuser en quelque sorte, ou desquelles on essaye de faire sortir quelque chose, mais, en même temps, moi, j’essaye, dans mon écriture, de dépasser justement l’évidence du réel pour aller vers…pour essayer de saisir quelque chose parfois d’inquiétant ou même d’un petit peu fantastique. C’est la raison aussi pour laquelle mon écriture poétique s’est développée vers le roman, et puis un roman un peu onirique ou fantastique, récemment. Et je vois justement une continuité de l’un à l’autre, et ce qui m’intéresse, c’est cette qualité de la poésie de pouvoir révéler le caractère étrange et surprenant des choses qui nous entourent, ne serait-ce que parce que la parole poétique, justement, a cette dimension métaphysique, très imagée, qui fait que les choses extrêmement simples peuvent tout de suite devenir très étranges ou très éloignées de ce qu’elles sont au départ.
C. R. – Bien. Et sinon, donc, en 2006, quelle place accorder à la poésie ? Est-ce que la poésie a encore un rôle à jouer dans notre société très particulière ? Qui veut prendre la parole à ce sujet ? Donc…Franck Cottet ?
Franck Cottet – Oui, bien sûr que la poésie a un rôle important à jouer. Elle est essentielle. Je pense à un poète syrien, qui s’appelle Adonis, qui disait ça l’année dernière dans une interview qu’il avait donné au journal Libération : « le poète est celui qui est capable de prendre du recul dans une vie qui va très vite, et qui est capable de poser son regard sur les choses, et de poser son regard sur les gens, sur ce qu’ils font ; et de les retraduire, et peut-être de leur tendre aussi comme un miroir ». Et c’est vrai que dans une époque où on vit, on va dire relativement vite, c’est plus qu’essentiel, quoi.
C. R. – Quelqu’un d’autre veut prendre la parole à ce sujet, non ? Armelle Leclercq ?
Armelle Leclercq – Oui, c’est aussi une façon de créer un monde second derrière le monde quotidien, d’apporter en fait une sorte d’image, d’imaginaire qui permette de transcender un petit peu la réalité que, en même temps, on arrive à intégrer au poème.
C. R. – Chantal Dupuy ?
C. D. – Je voulais ajouter une chose. Une citation de René Daumal qui dit « la prose dit quelque chose avec les mots, la poésie fait quelque chose avec les mots ». Et effectivement c’est transcender le réel. C’est aussi le(s) pouvoir(s) de la parole.
C. R. – Oui, Julien Ferdinande ?
J. F. – Moi, je me rends compte, en fait, avec les années, que , finalement, les mots n’ont absolument pas perdu de leur pouvoir, qu’ils ont tout le temps autant de force qu’au début, qu’il n’y a pas pour moi de décroissance de leur valeur ou de quoi que ce soit. Je vois souvent que les gens sont touchés par les mots d’une manière très forte, quoi… donc…
C. R. – Même s’ils sont galvaudés, quand même, dans notre société, voire détournés, leur sens est détourné ?
J.F. – Oui, oui…
C. R. – Et donc maintenant, très concrètement, finalement, aujourd’hui, est-ce que, au quotidien, la poésie c’est écrire la poésie, mais c’est aussi vivre de la poésie ? Est-ce que ça s’arrête seulement à l’écriture ou carrément à un mode de vie ? Romain Verger ?
R. V. – Il est bien sûr extrêmement difficile de vivre de la poésie. Certains grands poètes contemporains assez âgés s’en sortent peut-être, mais c’est vrai que c’est difficile. C’est surtout le roman qui a sa place aujourd’hui et qui fait vivre les écrivains.
C. R. – C’était pas le sens de ma question, en fait. C’était vivre la poésie, pas vivre de la poésie au quotidien.
R. V. – Ah. C’est difficile de vivre la poésie au quotidien. Moi, je crois justement que j’ai pas toujours l’impression de vivre la poésie au quotidien. Non, je crois que véritablement, et je crois que c’est la raison pour laquelle j’ai cette nécessité de retourner à mon bureau pour écrire, c’est justement d’entrer en poésie et de quitter le monde dans lequel je suis quotidiennement. Oui.
C. R. – C’est -à- dire qu’il y a une impossibilité à vivre… ?
R. V. – Il n’y a pas d’impossibilité à vivre, mais enfin je n’ai pas l’impression de vivre poétiquement, non.
C. R. – Franck Cottet ?
F. C. – Moi, je crois pas tout à fait à ça. Je pense que le poète écrit toujours, même quand il écrit pas, c’est-à-dire qu’il y a une espèce de travail d’arrière-plan qui se fait pas forcément systématiquement dans les gestes ou les actes de la vie quotidienne, mais il y a toujours cette notion d’écriture et la capacité qu’il peut avoir, en tout cas pour mon cas, à capter des instants du réel et des instants du quotidien qui s’imprime sur la plaque sensible de sa mémoire, quoi. Ou de sa pensée.
C.R. – Chantal Dupuy ?
C. D. – Oui, je suis tout à fait d’accord avec ça. Il y a toujours cette écriture d’arrière-plan qui est pour moi…enfin je dirais d’être aux aguets de tout ce qui fait signe, de tout ce qui quelque part est pré-écrit, et qu’il va falloir décrypter et écrire.
C. R. – Merci. Alors j’aimerais qu’on revienne, puisqu’on n’a pas épuisé le sujet – on ne l’épuisera pas de toute façon - … j’aimerais qu’on revienne donc sur ce problème de vivre au quotidien la poésie. Qu’est-ce que ça veut dire dans notre société de consommation, par exemple ? Donc…Chantal Dupuy-Dunier ? Oui ?
C. D. – Oui. Le problème, il est là. Il est dans notre société de consommation parce que justement la poésie s’inscrit en dehors de ça et pour moi, écrire de la poésie, c’est militer, quelque part. C’est militer au moyen de l’écriture poétique parce qu’on s’inscrit justement, quand même, en dehors de cette société de consommation.
C. R. – Julien Ferdinande ?
J. F. – Pour l’instant, moi je…bon, j’étais dans une situation où j’avais pas de travail normal, donc je ne pouvais faire qu’écrire, donc c’était peut-être plus facile pour moi, mais il me semble que c’est quelque chose qui a à voir avec la vie de tous les jours de toute façon, parce que même, de toute façon, quelqu’un qui a un travail, il construit sa poésie par rapport à cette existence-là, en fait. C’est soit par contraste, ou…voilà. D’une manière ou d’une autre, ça a toujours à voir avec la vie qu’on mène, de toute façon.
C. R. – Armelle Leclercq ?
A.L. - Oui, c’est une activité forcément un peu à la marge ; aussi, au niveau éditorial, il est vrai qu’à l’heure actuelle, c’est le roman qui est le genre dominant, et il est vrai que la poésie passe un peu moins dans les médias. C’est un petit peu dommage, même s’il y a quand même un certain nombre de manifestation, notamment le Printemps des Poètes, le Marché de la Poésie à Paris, voilà…Mais ça reste un genre un peu mineur.
C.R. – Franck Cottet ?
F. C. – Oui, je crois qu’aussi…enfin il est important de rappeler que la poésie est partout et qu’il n’y a pas de domaine réservé à la poésie, et que, partant de là, le travail du poète, c’est aussi d’aller rencontrer ses lecteurs potentiels à travers les manifestations dont parlait Armelle, par exemple le Printemps des Poètes, par exemple les Poètes au Potager ici ou d’autres qui se déroulent en France. C’est important de montrer aux gens que la poésie est partout, et qu’elle est dans leur vie aussi.
C.R. – Oui…enfin, ce qui me gêne un petit peu dans ces opérations comme le Printemps des Poètes, c’est que, bon, la poésie, c’est toute l’année. C’est comme la journée de la femme, c’est pas une journée par an, c’est 365 jours par an, donc il y a aussi le côté vraiment subventionné dont on parlait hier, et est-ce qu’il n’y a pas, justement, non pas une impasse, mais du moins des limites ? Chantal Dupuy-Dunier ?
C.D. – Au niveau du Printemps des Poètes, il faut quand même reconnaître que, à l’heure actuelle, ils ont une action qui s’inscrit sur toute l’année.
C.R. – D’accord. Et bien, écoutez, merci beaucoup à tous les cinq. On va être obligés de s’arrêter là. C’était très très court, c’est passé très très vite. Je voudrais donc vous remercier.