Métamorphose réussie

Hervé Martin chronique également sur son blog le dernier numéro de la revue Contre-allées.

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"Après ma surprise à la découverte de ce nouveau format, j’ai apprécié l’éditorial de Romain Fustier. L'éditeur et poète pose son regard sur une poésie contemporaine diffusée sur internet et les réseaux sociaux, jouant, via ses acteurs, des codes d’usage de popularité pour y perdre un peu de sa nature première.

La seule représentation d’une poésie formatée aux « hashtags », évaluée aux nombres des « Amis » et autres « followers » est en effet trompeuse ! Un risque souligné par Romain Fustier pour une visibilité « relative et virtuelle », normée par des « algorithmes fluctuants », quand par ailleurs on connaît la difficulté « réelle » des éditeurs de poésie à diffuser leurs livres. Édifiée sur les réseaux par ceux que Fustier nomme des « instapoètes » cette perception de la Poésie contemporaine est en décalage avec sa nature et sa réalité. Ne pas lâcher la proie pour l’ombre ! « L’écriture de poésie ne répond pas à un « business plan » : elle nécessite du temps, n’est pas pressée » écrit Romain Fustier avant de préciser que « L’amateur de poèmes, de son côté, ne se réduit pas à un utilisateur ou à un acheteur – un consommateur. Ce qu’il quête , c’est la relation ». Et une relation vraie, ajouterai-je, faites de dialogues et d’échanges de la part des différents acteurs. C’est sans doute à cet objectif que Romain Fustier s’attelle avec cette nouvelle maquette de Contre-allées pour que la poésie contemporaine « ...ne soit pas condamnée à n’être qu’un supplément d’âme… ».

L’invité Jacques Darras, nous offre huit poèmes saisis au quotidien des jours dans l’observation des fleurs, du merle ou de la tourterelle… avec une écriture dont la tension rend proche la présence du poète. Ne renonçant pas à l’humour « Orphée : une de perdue, Euridix etc. ! « , le poète joue aussi avec les approximations homophoniques « Puerpérales et purpurines » ; les rapprochements sonores «  Nos absides d’absence »  ou anecdotiques avec le poème Verhaeren bis. Avec Jaques Darras la poésie est dans la vie ! « le poème naît à l’issue d’une transformation rythmique comparable à un ébranlement géologique » confie-t-il dans un court entretien à Romain Fustier. Une jubilation d’écrire que le lecteur ressent.

 

 Quatre femmes poètes de la génération 70 composent la sélection de ce numéro avec pour chacune d’entre elles un large choix de textes. Christine Bouchut  avec de courts poèmes «  Instant/ pas un de plus/laisse filer/un peu de poussière/à peine/ce n’est rien/retourne/ le soleil fuit. »; Anne Brousseau «  et ce n’est pas l’horloge que j’entends / mais les haricots que tu équeutes/ / il y a un âge où l’on n’y prête / aucune attention / c’est pourtant là que je reviendrai / à tes gestes/ les mains occupées à un bonheur » ;Isabelle Sancy « Le jour approche où nous formerons / des roses de lin blanc sur  une épine d’acacia./… » Et Maud Thiria «  Rien qu’en fermant les yeux/tu reconnais encore/ sous les plis/ tes morceaux d’enfance/… »

Suivent Poèmes à deux voix de Christian Degoutte, des entretiens avec le poète Henri Droguet, l’écrivain Christian Garaud et l’éditeur Gérald Casteras des éditions Poïein ainsi que des extraits de livres reçus… Le tout dans une forme courte.

Ne pas manquer la note critique d’Armelle Leclercq sur « Les Loups » de Sophie Loizeau. «  C’est une conquête à venir du féminisme, et non la moindre, que de libérer d’urgence l’accès aux forêts. ». 

Métamorphose réussie !