Tout simplement

Sabine Huynh consacre une note de lecture aux "Hirondelles" de Romain Fustier, parues aux éditions La Porte, sur le site "Terre à ciel".
Il y a des écritures qui embrassent, littéralement, qui embrassent tout ce qui est bon, qui ne perdent rien de ce qui constitue de la féérie des jours passés avec les Hirondelles – fille, femme : « merveille à la peau de pain fait maison / cette douceur qui farine & ton vouloir l’embrasser ses lèvres » –, et qui font sacrément du bien en nous embrassant nous, les lecteurs. La poésie de Romain Fustier est de celles-là, de celles qui abreuvent et rendent heureux, tout simplement. 
Se plonger dans ses Hirondelles, c’est comme rêver les yeux ouverts : la conscience épouse l’inconscient et l’esprit se libère, s’assouplit, prend plaisir à se laisser transporter par ce qu’il y a de plus précieux, de plus lumineux : ce qui véritablement est, soit la vie avec elles, ses Hirondelles, vie qui « enjambe ton poème », parce que sans elles, le poème ne rebondirait plus, serait caillou inerte et gris, blessant d’absence (« serait-ce au travers du vide que se mesurerait le plein / le silence sur les choses qu’éclate le besoin de paroles »). 
Les textes de Romain Fustier débordent de l’énergie de l’aube, celle des enfants au lever qui poursuivent éveillés les jeux qui les ont occupés durant leur sommeil. Entrelacs non ponctués et tout en déliés, ils cascadent, les poèmes de Romain Fustier. S’y succèdent des instants et leurs transformations, des images de bonheur s’y déploient et s’enfantent avec élan et grâce, ce sont des matriochkas de soie, de coton, de plumes et de pétales de fleurs. Ils sont la preuve que la mémoire est bien un organe sensible, et poétique, par sa force créatrice. Hirondelles : ce sont des poèmes de rêve, tout simplement.
Extrait :
elle est en fleur comme fleurissent ces violettes sur la pelouse
& tu écris elle s’épanouit apparaît dans son plein éclat
aujourd’hui où elle t’enveloppe de ses pétales son odeur
dans ce poème lorsque sa voix dit à ta voix soudain
c’est une maison respirant le printemps lorsqu’elle te dit
on a tout aéré suspendu le linge étendu sur le fil
que tu suis de ses idées qu’elle laisse aller-venir
& revenir du gazon à la cuisine que parfume l’essence
de ces plantes que ta petite fille a cueillies de ces violettes
dont les feuilles paraît-il sont hôtes de chenilles qui muent
en papillons pour peu que tu l’imagines le décides maintenant