Michel Baglin, dans la revue numérique Texture, dresse un portrait de Romain Fustier à travers la lecture de ses livres Habillé de son corps & Les yeux assis sur la plage.
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« Habillé de son corps » (Rafael de Surtis) est un bel hommage à l’amour et à la femme aimée. « Petite tempête », « lutte contre les éléments », voilà qui renvoie au monde extérieur, certes, mais aussi à ces ébats amoureux qui sont le sujet de ce recueil de poèmes en prose, à l’écriture tendue, jubilatoire, aux images impétueuses, qui ne cessent de mettre en relation, à travers la langue, le dehors et la chambre. De la femme qui « étend son corps sur un lit de fougères entre deux prés, au cœur du bocage d’enfance », on nous dit aussi qu’« elle pleut en son intérieur ». C’est que l’amour est tellurique et qu’on en est toujours, où que l’on soit, à « s’aimer au milieu du monde ». Le panthéisme de Romain Fuster finit ainsi par effacer les frontières, corps et mots mêlés, l’altérité se dissolvant dans l’ébat-métaphore, pour le bonheur des amants et des lecteurs.*
Avec « Les yeux assis sur la plage » (éd de l’Atlantique), la femme est toujours omniprésente, ou plutôt le couple amoureux, dont la ferveur est une fois encore voie d’accès au monde. Plus précisément dans ce recueil : à l’été et à la plage.
Au sud d’abord, côté Languedoc, avec le Canigou pour repère. Plus au nord ensuite, côté Bretagne, avec l’ïle de Batz, Roscoff ou la côte de granit rose pour décor… Bien que le terme de « décor » soit inapproprié : ce que l’écriture – ce roulement de torrent sans ponctuation - de Romain Fustier traque, c’est justement ce moment où les êtres font corps avec les éléments dans lesquels ils sont immergés, où ils éprouvent l’impression de ne plus s’en distinguer : « elle a mis des coquillages au bout de ses seins afin de devancer la métaphore qui dresse la tête montre le bout de son nez dès qu’un élément liquide vient effleurer sa peau de nacre… »Cette sorte d’osmose des êtres avec le paysage – quête d’un paradis pas vraiment, pas encore perdu – est une sève qui irrigue cette poésie sensuelle et ensoleillée (même sous le crachin breton !). Elle se mêle à la contemplation, sans cesser de tenir les sens en éveil :« il bruine dans le café crème que je déguste en assistant à la montée des eaux sur la plage au recouvrement précipité du gué sur lequel nous marchions tout à l’heure vers la pointe de la presqu’ile devenue une île depuis que le gué qui y menait a été enveloppé par le flot comme ce café sous la crème à qui je trouve soudain un petit goût d’algue de rochers dans ma tasse qui se vide à rebours de la marée ».
Ainsi, à coup de notations et d’images filant dans le courant, Romain Fustier nous fortifie de ses poèmes qui témoignent pour l’art de la présence. Écoutons-le encore un instant, dans sa simplicité :
« Elle aimerait tant habiter une maison au bout d’un cap qu’elle peuplerait de chats sautant de rocher en rocher qu’elle meublerait d’une grande bibliothèque donnant sur les vagues la plage ferait office de jardin et elle n’aurait plus besoin de rassembler ces petits cailloux orange poussés par les flots dans ses poches elle n’aurait plus besoin non de ces graviers pour retrouver le chemin de la mer cet hiver ».*
http://revue-texture.fr/spip.php?article429
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« Habillé de son corps » (Rafael de Surtis) est un bel hommage à l’amour et à la femme aimée. « Petite tempête », « lutte contre les éléments », voilà qui renvoie au monde extérieur, certes, mais aussi à ces ébats amoureux qui sont le sujet de ce recueil de poèmes en prose, à l’écriture tendue, jubilatoire, aux images impétueuses, qui ne cessent de mettre en relation, à travers la langue, le dehors et la chambre. De la femme qui « étend son corps sur un lit de fougères entre deux prés, au cœur du bocage d’enfance », on nous dit aussi qu’« elle pleut en son intérieur ». C’est que l’amour est tellurique et qu’on en est toujours, où que l’on soit, à « s’aimer au milieu du monde ». Le panthéisme de Romain Fuster finit ainsi par effacer les frontières, corps et mots mêlés, l’altérité se dissolvant dans l’ébat-métaphore, pour le bonheur des amants et des lecteurs.*
Avec « Les yeux assis sur la plage » (éd de l’Atlantique), la femme est toujours omniprésente, ou plutôt le couple amoureux, dont la ferveur est une fois encore voie d’accès au monde. Plus précisément dans ce recueil : à l’été et à la plage.
Au sud d’abord, côté Languedoc, avec le Canigou pour repère. Plus au nord ensuite, côté Bretagne, avec l’ïle de Batz, Roscoff ou la côte de granit rose pour décor… Bien que le terme de « décor » soit inapproprié : ce que l’écriture – ce roulement de torrent sans ponctuation - de Romain Fustier traque, c’est justement ce moment où les êtres font corps avec les éléments dans lesquels ils sont immergés, où ils éprouvent l’impression de ne plus s’en distinguer : « elle a mis des coquillages au bout de ses seins afin de devancer la métaphore qui dresse la tête montre le bout de son nez dès qu’un élément liquide vient effleurer sa peau de nacre… »Cette sorte d’osmose des êtres avec le paysage – quête d’un paradis pas vraiment, pas encore perdu – est une sève qui irrigue cette poésie sensuelle et ensoleillée (même sous le crachin breton !). Elle se mêle à la contemplation, sans cesser de tenir les sens en éveil :« il bruine dans le café crème que je déguste en assistant à la montée des eaux sur la plage au recouvrement précipité du gué sur lequel nous marchions tout à l’heure vers la pointe de la presqu’ile devenue une île depuis que le gué qui y menait a été enveloppé par le flot comme ce café sous la crème à qui je trouve soudain un petit goût d’algue de rochers dans ma tasse qui se vide à rebours de la marée ».
Ainsi, à coup de notations et d’images filant dans le courant, Romain Fustier nous fortifie de ses poèmes qui témoignent pour l’art de la présence. Écoutons-le encore un instant, dans sa simplicité :
« Elle aimerait tant habiter une maison au bout d’un cap qu’elle peuplerait de chats sautant de rocher en rocher qu’elle meublerait d’une grande bibliothèque donnant sur les vagues la plage ferait office de jardin et elle n’aurait plus besoin de rassembler ces petits cailloux orange poussés par les flots dans ses poches elle n’aurait plus besoin non de ces graviers pour retrouver le chemin de la mer cet hiver ».*
http://revue-texture.fr/spip.php?article429